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Histoire du tango
 
Le cinéma et le tango
 
   Le tango a servi d'argument central à de nombreux documentaires et à quelques longs métrages de fiction. Ces films sont une source importante d'informations sur l'histoire du tango et sur ses protagonistes. Mais il peut s'agit d'une simple recherche d'histoire ou d'exotisme. De nombreux autres sujets ont été ainsi choisis comme fil conducteur.
   En revanche, l'étude des innombrables films, dans lesquels le tango semble marginal, est encore plus intéressante. Si la danse ou la musique du tango coulent naturellement dans la trame cinématographique, cela montre à quel ressort de l'imaginaire collectif le tango fait appel. Dans ce cas, le cinéma, qui est le reflet des sentiments des créateurs et des publics, en intégrant le tango dans son action ou dans sa bande son, utilise ses valeurs symboliques comme éléments du langage cinématographique. Et de ce fait, il nous permet de comprendre quelles sont ces valeurs, dans chaque pays concerné.
 
Document
 Il est bien difficile de dénombrer les films touchant de près ou de loin au tango dans le cinéma mondial. Mais le nombre est considérable. Le Rio de La Plata en compterait pour le moins 350. Et hors Argentine et Uruguay, Pedro Ochoa estime ce chiffre à plus de 480 films.
 
En Argentine
 
    En Argentine, ils sont nés ensemble dans les dernières années du XIX° siècle. Ils ont grandi en même temps. Tous les deux, ils avaient un fort ancrage populaire, sans prétention artistique, et ils étaient essentiellement voués au divertissement. Ainsi, le tango et le cinéma se sont mutuellement prêté main forte durant toute leur jeunesse.
 
Les débuts
 
    1895, les frères Lumière donnent au monde le cinématographe. Et dès 1896, l'Argentine tourne son premier film, au moment où le tango s'affirme comme élément de la culture urbaine qui forge l'identité de la nouvelle populaton du pays. Et le cinéma, muet, donc universel et sans la barrière des langues, s'associe à cette construction d'une identité. Il donne vie à une foule de personnages " typiques " dans lesquels veut se reconnaître une population jeune et en cours d'affirmation.
 
Histoire
    Vers 1890, Enrique Lepage fonde à Buenos Aires la Casa Lepage, établie dans la rue Bolivar, au n° 375, et qui introduit en Argentine le cinéma et le phonographe. En 1897, la maison commence les premiers tournages et, en 1899, les enregistrements de disques.
    Le premier film est
Tango Argentino, un court métrage de Eugenio Py, sorti vers 1900, et dans lequel figure le danseur Agapito, qui serait ainsi la première vedette du tango au cinéma ! Ce film a circulé dans toute Europe, notamment en Espagne, à la cour de Alfonso XIII, en Italie, à celle de Victor Emmanuel II, et même, selon la légende, au Vatican.
 
Le cinéma muet
 
    Le tango est omniprésent dans les films. Même muet, le cinéma contribue à la diffusion du genre dans toutes les classes sociales qui ne fréquentent pas, par décence, les lieux décriés du tango. On voit le visage des vedettes que l'on écoute sur les disques. On retrouve les personnages, les situations qui font la thématique des tangos chantés. On découvre les cabarets et autres salles de bal réservées à une clientèle riche.
   Dans le cinéma mondial, le tango fait ses premières incursions :
- soit sur le mode burlesque : Chaplin (1914/1916, quatre courts-métrages), Max Linder, Groucho Marx, Laurel et Hardy, etc.
- soit sur le mode exotique : Rudolf Valentino (The Four Horsemen of the Apocalypse, 1921), qui devient, dans le monde entier, avec un style de danse assez hybride, le symbole du séducteur-danseur de tango.
 
Document
- " El tango en el ciné ", 1979. Documentaire de Guillermo Fernandez.
- 1921 : The Four Horsemen of the Apocalypse, de Rex Ingram, avec Rudolf Valentino.
- 1927 : The Gaucho, de F.Richard Jones, avec Douglas Fairbank.
 
Le tango dans les salles de cinéma
 
   Première époque : ce sont quelques musiciens, et souvent un pianiste seul, qui accompagnent, plus ou moins fidèlement, l'action du film. Les mélodies du tango se mêlent parfois étrangement à des films qui n'ont rien à voir avec cela !
   Peu à peu, avec les progrès des phonographes, des projectionnistes utilisent des disques 78 tours pour accompagner de musique le film en cours. C'est l'occasion des premières tentatives de synchronisation avec le chanteur à l'écran.
    Puis les orchestres de tango s'installent dans les salles : 1924, Minotto Di Cicco, au cinéma Select Buen Orden. 1925, Ciriaco Ortiz, au Gaumont. Julio De Caro, dans les cinémas Select Lavalle et Real Cine. Anselmo Aieta, aux Paramount, Electric et El Hindu. Francisco Lomuto, au Select Suipacha. Vardaro-Pugliese au Metropol. Le public vient davantage pour l'orchestre que pour le film !
   Mais à partir de 1930, l'arrivée du cinéma parlant supprime, peu à peu, pour les orchestres cette ressource et ce moyen très populaire de se faire connaître.
 
Du muet au parlant
 
 1930. Chaplin et Gardel peuvent servir de symbole du passage du muet au parlant. Ils sont présents dans les deux, et tissent des liens forts entre le tango et le cinéma.
 
Charles Chaplin
    Chaplin compte six films avec le tango, entre 1914 et 1966. Les quatre premiers, de 1914 à 1916, sont des courts métrages muets, dans lequel le tango dansé est fort malmené, sur le mode burlesque propre à Charlot.
    Dans Les lumières de la ville,
1931, le tango La violetera, de José Padilla sert de thème pour annoncer la présence de la jeune fleuriste aveugle.
    Dans La Comtesse de Hong Kong, 1966, l'action s'achève sur un tango dansé par les deux protagonistes de l'action, Ogden (Marlon Brando) et Natascha (Sophia Loren), en signe de l'amour naissant entre les deux personnages.
 
Carlos Gardel
    Dès 1917, Carlos Gardel est présent sur les écrans, en compagnie de Ignacio Corsini, dans le court métrage muet Flor de durazno ▲▲. Ignacio Corsini apparaît aussi dans Federación o muerte.
    En 1930, afin de relancer une carrière de concertiste qui s'essouffle un peu, le chanteur Carlos Gardel inaugure le cinéma parlant. Il tourne dix courts métrages, produits par Federico Valle et signés Eduardo Morera, qui sont ainsi des ancêtres des vidéo-clips. Puis viennent les longs métrages tournés en France et à New York.
   Tous ces films sont d'abord des tours de chant, cousus ensemble par des intrigues très superficielles, et avec une mise en scène assez réduite.
   Mais le cinéma démultipliait considérablement l'audience du chanteur et lui donnait une stature internationale que l'Argentine ne pouvait pas lui offrir.
 
1933. Le 1° film parlant argentin.
 
    Le premier long métrage argentin, avec le son sur la pellicule, se nomme Tango !, de Luis Moglia Barth. Sa sortie a lieu le 27 avril 1933 au cinéma Real. C'est un immense succès. Il regroupe à l'écran tout ce qui compte dans le monde du tango à ce moment, sauf Gardel en tournée à l'étranger.
     Les spectateurs populaires voient enfin les visages de tous ces artistes connus par le disque ou par la radio.
 
Système son
    Depuis le début du XX° siècle, on a essayé de faire parler ou chanter le cinéma. Les premières tentatives ont consisté à faire jouer un disque sur un phonographe pendant la projection. Les inventions se multiplient...
    En 1927, le système Vitaphone synchronise les disques avec le projecteur, synchronisation mise à mal chaque fois, et c'était fréquent, que la pellicule se cassait !
    En 1930, le procédé Movietone est au point. Il s'agit d'un système optique qui incorpore le son à la pellicule, assurant ainsi une parfaite synchronisation du son et de l'image.
   Ce système restera en vigueur jusqu'à l'introduction récente du son numérique sur des pistes magnétiques.
 
    Dans la foulée de " Tango ", de nombreux films utilisent le tango comme élément essentiel d'intérêt, avec des intrigues sommaires qui servent davantage de prétexte aux passages musicaux. Soit le scénario retrace des épisodes de la carrière de vedettes du tango. Soit il est construit autour d'une histoire simple qui amène les personnages dans les lieux de musique et de danse : cabarets, dancings, music-hall, etc. Souvent, l'un des personnages est lui-même chanteur ou musiciens, ce qui facilite l'implication dans le monde du tango. Ces films rencontrent un grand succès populaire.
    Les distributeurs de toute l'Amérique latine achètent le film en fonction du nombre de tangos chantés qu'il contient !
 
Document
- Films de Gardel, tournés en France et aux USA.
- Films de Luis Bayón Herrera, Manuel Romero, Luis Cesar Amadori, Lucas Demare, José Agustín Ferreyra, Luis Saslavsky, etc.
 
Après la seconde guerre mondiale
 
Le tango dans le cinéma argentin
 
      L'Argentine continue de produire des films dans lesquels le tango et son monde constituent l'intérêt essentiel, pour un public très populaire. Cette production s'essoufflera peu à peu au début des années 60.
 
Films biographiques de personnages du tango
 
    Dans les années 50, les spectateurs argentins peuvent voir plusieurs films qui retracent la vie des personnages importants du tango : Eduardo Arolas, Pascual Contursi, Carlos Gardel, etc.
 
Films
- Trois films retraçant la vie de Gardel : 1939. La vida de Carlos Gardel (de Alberto de Zavala, avec Hugo del Carril) 1949. Se llamaba Carlos Gardel (León Klimovsky). 1950. El Morocho del Abasto (Julio Rossi). D'autres seront réalisés ultérieurement ou ailleurs qu'en Argentine.
- 1950. El último payador, de H.Manzi. Vie de José Betinoti.
- 1951. Derecho viejo, de Manuel Romero. Vie de Eduardo Arolas.
- 1952. Mi noche triste, de Lucas Demare. Vie de Pascual Contursi.
- De nombreux documentaires monographiques.
 
Le tango dans le cinéma français
 
    Le tango chanté, sous une forme très romantique, trouve sa place dans de nombreux films français produits après la guerre. Chanteurs et chanteuses, dans des intrigues sentimentales, placent leur tour de chant dans lequel le tango s'illustre largement.
 
Tino Rossi
      Durant l'après-guerre, alors que le tango s'estompe dans les lieux de danse, Tino Rossi le fait vivre dans plusieurs films.
- "
Sérénade aux nuages " . 1945. France. LM. Comédie musicale. De André Cayatte. Musique : Vincent Scotto. Tino Rossi chante Tango d'un soir (musique de Vincent Scotto, paroles de Géo Koger). Mélodie sentimentale, sans trace de canyengue, mais clairement identifiable comme tango.
- "
Au pays du soleil ". 1951. France. LM. De Maurice de Canonge. Musique de Vincent Scotto.
    Durant ce film, Tino Rossi, dans le rôle de Titin, chante " Le plus beau tango du monde " ( V.Scotto et A.Tabet). Ce chant se situe lors d'une scène de danse dans un restaurant-dancing à l'air libre, à côté d'une piscine. Une touche particulière est donnée par une jeune fille qui danse en maillot de bain !
   Le style de danse est dans le style français le plus pur : marche simple, sans figures, abrazo assez serré, avec un léger balancement, et les pas bien identifiables du tango rioplatense, sans trace de Ballroom.
 
Le tango comme bande son
 
     C'est Chaplin qui débute la série, avec Les Lumières de la Ville, 1931, dans lequel le tango La violetera, de José Padilla sert de thème pour annoncer la présence de la jeune fleuriste aveugle.
     Innombrables et cosmopolites sont les films qui font appel au tango dans leur bande son. Astor Piazzolla occupe une place de choix dans cette fonction, même si sa musique s'éloigne souvent du tango traditionnel.
 
Document
 - Bandes-son des films de Aki Kaurismaki.
 
Astor Piazzolla et le cinéma
 
   Piazzolla a donné une musique originale à une cinquantaine de films. La plupart de ces musiques appartiennent au domaine du tango. Il commence avec le cinéma argentin en 1947. Puis continue en Europe dans les années 70.
   Par ailleurs, de nombreux films ont repris des musiques de Piazzolla, déjà enregistrées, ou jouées par d'autres musiciens. .
 
Quelques films
- 1975 : Il pleut sur Santiago, de Helvio Soto.
- 1976 : Armaguedon, de Alain Jessua.
- 1984 : Henri IV, le roi fou, de Marco Bellocchio, avec le thème célèbre Oblivion.
-
1985 : Tangos, l'exil de Gardel, de Fernando Solanas.
- 1988 : Sur, de Fernando Solanas
 
Le tango modifie les personnalités
 
     Dans certains films, le tango joue le rôle de révélateur de la personnalité d'un personnage, ou modifie des comportements. Parfois, grâce à lui, ce personnage échappe à son quotidien, ou à son échec personnel.
 
Document
- 1976 : L'acrobate, de Jean-Daniel Pollet. ▲▲
- 2002 : Assassination Tango, de Robet Duvall.
- 2004 : Je ne suis pas là pour être aimé, de Stéphane Brizé. Avec Patrick Chesnais.
- 2012 : Tango Libre, de Frededric Fonteyne.
 
Le tango dansé dans le cinéma américain
 
    Depuis Rudolph Valentino, les films américains présentent un tango dansé dans le style ballroom, parfois avec une grande emphase dans les figures.
    Il s'agit essentiellement de scènes de séduction avec une touche d'exotisme.
 
Document
- 1920 : The Four Horsemen of the Apocalypse, de Rex Ingram. Avec Rudolf Valentino, qui danse un tango mythique ( mais muet !). Ce tangoi deviendra le symbole du tango hors d'Argentine, ainsi chargé de séduction et de sensualité, et teinté d'exotisme. Valentino est habillé en gaucho de fantaisie.
- 1933 : Flying down to Rio, de Thornton Freeland. ▲▲
 
1992/1996
Por una cabeza
    Entre 1992 et 1996, le tango Por una cabeza, de Carlos Gardel (qu'il chante avec l'orchestre de Terig Tucci, dans le film Tango Bar, produit à New-York en 1935), a été utilisé dans une scène de danse à quatre reprises par le cinéma américain.
- 1992 : Scent of a Woman, de Martin Brest.
- 1993 : Schindler's list, de Stephen Spiekberg.
- 1994 : True lies, de James Cameron.
- 1996 : Evita, de Alan Parker.
 
1991. Le véritable tango argentin
 
   Une nouvelle ère du cinéma sur le tango est ouverte avec Naked Tango. C'est le premier film non argentin dédié intégralement au tango, à l'histoire de Buenos Aires et avec des chorégraphies réellement inspirées par le véritable tango du Rio de La Plata.
   Mais ce film ne rencontre pas de succès populaire et le cinéma continue d'utiliser des scènes dans le style ballroom américain ou de salon européen. Néanmoins, Naked Tango ouvre la porte aux films de Carlos Saura, Sally Potter, Solanas, etc. qui renouent avec le tango du Rio de la Plata.
 
Document
 1991. Naked Tango, USA, de Leonard Schrader, avec Matilda May et Vincent d'Onofrio. Chorégraphie de Carlos Rivarola.
  Il a été tourné à Buenos Aires, avec un assesseur argentin.
 
Le tango comme thématique principale du film
 
  Le tango peut être lui-même sujet du film. Soit c'est la peinture du milieu du tango, de la vie des artistes, soit c'est son aspect spectaculaire, à la manière d'une revue à grand spectacle. Le lien est renoué avec le tango rioplatense. C'est plutôt l'Europe qui s'intéresse à es productions.
 
Document
- 1997 : Tango Lesson : France. Grande-Bretagne. LM. De Sally Potter. Avec Sally Potter, Pablo Veron, Morgane Maugran.
- 1998 : Tango, Argentine/Espagne. LM. De Carlos Saura. Avec Miguel Angel Solá, Cecilia Narova, Mia Maestro, Juan Carlos Copes, Carlos Rivarola, Sandra Ballesteros.
- 2005 : Si sos brujos, de Caroline Néal, qui retrace l'histoire de la constitution de l'orchestre école de Buenos Aires, avec Emilio Balcarce.
- 2008 : Café de los maestros, de Miguel Kohan.
 
Références bibliographiques ▲▲
 
- Couselo, Jorge Miguel, El tango en el ciné, in La Historia del Tango, Buenos Aires, 1977. Ed. Corregidor, vol.8, p.1291 à 1328.
- Hess, Rémy,
Le Tango, éd. PUF. Paris 1996. p. 110 à 117.
- Ochoa, Pedro,
Tango y Cine Mundial. Buenos Aires, 2003. Ed. del Jilguero.
- Rodriguez-Blanco, Manuel,
Tango, le chant et la danse, 2003. Ed. Loubatières. P.139 à 144.
- Revue
La Salida, n° 24, juin 2001. Dossier Tango et Cinéma. Plusieurs articles.
- Revue
Tout Tango, n° 26, janvier 2011, p. 16. Cinéma muet. Article de Solange Bazely.
- Revue
Tout Tango, n° 28, juin 2011, p. 16. Le tango au ciné parlant. Article de Solange Bazely.
- Revue
Tout Tango, n° 29, octobre 2011, p. 14. Piazzolla au cinéma. Article de Solange Bazely.
- Hatem, Fabrice, http://fabrice.hatem.free.fr/
- http://musique-de-films.blogspot.fr/. Ce site répertorie les films musicaux ou contenant au moins une chanson, films réalisés entre 1928 et 1945. Il est parfois possible d'y retrouver ainsi un tango.