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Histoire du tango
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Histoire des formations orchestrales
 
Page 2 ( 1917 / aujourd'hui )
 
1917
 
                                                 Le Tango Canción.
    En 1917,
Pascual Contursi ▲▲ met des paroles sur le thème Mi noche triste ▲▲. C'est l'avènement du Tango Canción. Il est destiné à la seule écoute. La guitare retrouve sa place pour accompagner le chanteur.
    Mais le premier vrai Tango Canción
est Milonguita ▲▲, composé en 1920, par Enrique Delfino et Samuel Linning, et interprété par Gardel en 1920. Ce genre transforme la mélodie et les paroles du tango. Il crée le rôle du chanteur accompagné par un orchestre. Sa mélodie s'enrichit d'harmoniques qui créent une tension déjà contenue dans le texte. C'est Carlos Gardel ▲▲ l'interprète privilégié de ce genre.
    En 1924, le tango
Griseta ▲▲, de Enrique Delfino et José González Castillo marque le début du Tango Romanza, un genre de Tango Canción, dans lequel les paroles racontent une histoire dramatique.
 
1920
 
    Le tango continue sa progression dans les cabarets ▲▲ chics, poussé par le snobisme pro-parisien. Il anime les bals des grandes maisons bourgeoises, les hôtels, les dancings et les différents clubs. Les orchestres se multiplient. Les disques se vendent massivement. Les éditeurs diffusent par milliers les partitions, notamment celles pour chant et piano. Les musiciens deviennent des professionnels munis d'une solide formation musicale.
   Cette acceptation par les classes aisées se paie de l'abandon des caractéristiques les plus voyantes du tango populaire des origines, par le remodelage des figures da la danse, du rythme, des mélodies et des paroles.
 
1921
 
                                              Le sexteto se développe
    Pour étoffer le son et en l'absence de systèmes d'amplification, les orchestres multiplient le nombre de musiciens. On augment le nombre de bandonéonistes, de violonistes.
    Ainsi, en 1921, pour les bals du Carnaval dans l'ancien théâtre Opéra, Francisco Canaro réunit 32 musiciens, chiffre encore jamais atteint. En 1935, Julio De Caro rassemble quarante musiciens dans le Teatro Colón, lors des fêtes du Carnaval.
 
                                            Les grands orchestres.
    En 1932-1934, Osvaldo Fresedo et Julio de Caro tentent d'incorporer aux formations de tango des éléments empruntés aux orchestre symphoniques. Il ne s'agit pas encore de ce que l'on appellera plus tard le tango symphonique. Ils souhaitent enrichir les arrangements de lignes musicales rendant possible l'intervention d'une formation de type symphonique.
    Néanmoins, tout au cours des années suivantes, et jusqu'à aujourd'hui, les orchestres de tango adoptent comme base instrumentale le Sexteto Típico. Mais certains orchestres ajoutent, parfois occasionnellement, parfois plus régulièrement, d'autres instruments.
    Ainsi, à partir de 1933, Julio De Caro fait quelques orchestrations avec des instruments à vent et des percussions.
    De son côté, Francisco Canaro introduit la trompette classique, en 1941, dans son interprétation du tango
En esta tarde gris (Ecoute possible sur www.youtube.com)
 
                           Osvaldo Fresedo.
    Cette photo de l'orchestre de Osvaldo Fresedo, vers 1932, met en évidence les modifications du sexteto de base. On note la réintroduction de la harpe. On devine, à l'arrière-plan, un clavier de vibraphone. Il étoffe les cordes en ajoutant le violoncelle, que l'on aperçoit à gauche de la photographie, et le violon alto. Fresedo fait également appel à la trompette bouchée et, de façon discrète, à la batterie.
    Il doit donc solliciter des musiciens venus d'autres horizons que le tango.
 
La guardia nueva. Julio De Caro
 
    Avec Julio De Caro ▲▲, le courant évolutionniste trouve son maître. Il s'entoure de musiciens munis d'une solide formation musicale. Il enrichit la composition musicale avec de nombreux procédés et effets. Il varie les rôles des différents instruments qui se répondent et construisent des contrepoints et des polyphonies. Comme dit Horacio Ferrer ▲▲ " Il anoblit le tango tout en respectant l'originalité et la création de chaque auteur ". C'est l'écoute qui est privilégiée. Osvaldo Fresedo ▲▲ suivra largement cette route.
 
1924
 
    Autre inovation de Francisco Canaro. Il introduit un chanteur dans l'orchestre typique, mais celui-ci ne chante que le refrain : c'est l'estribillista. Les autres orchestres l'imitent. Et cela donne pendant trente années une pléiade de couples chef d'orchestre/chanteur.
 
1925-1930
 

    Le tango s'empare de tous les divertissements. Il envahit tous les spectacles. Il occupe la radio, et aussi le cinéma, d'abord comme musique dans les salles, puis sur les écrans avec le cinéma parlant.
    Mais à partir de 1930, un déclin s'amorce, provoqué aussi bien par les problèmes politiques que par les crises financières. Baisse de salaires, chômage, ruine d'une partie des classes laborieuses, faillites : tout cela éloigne le tango des préoccupations immédiates. Les lieux de divertissement se vident. Cette chute de créativité culmine avec la mort de Gardel.
   Dans la même période, on voit l'abandon progressif du jeu a la parilla, où les musiciens improvisent sur des grilles, et son remplacement par des partitions complètes, comme dans la musique issue des conservatoires, dont proviennent de plus en plus de musiciens.

 
                              Les orchestres des compagnies de disques.
     Devant le succès de vente des disques, et pour satisfaire la demande, les compagnies créent des orchestres sous leur nom. Ces orchestres sont en général composés des musiciens qui sont sous contrat avec le label. Mais la formation n'est pas constante et les musiciens changent en fonction de leurs disponibilités.
    C'est le label
Victor qui illustre le mieux cette initiative. Entre 1925 et 1944, l'Orquesta Típica Victor ▲▲ verra défiler dans ses rangs tous les grands noms de musiciens et de chanteurs, souvent à leurs débuts.
   Le label Brunswick, début 1929, ainsi que Columbia, Odeon et les autres, ont suivi le chemin.
 
1935-1945
 
    1935. Mort de Carlos Gardel ▲▲. Juan D'Arienzo forme son orchestre.
 

                          Juan D'Arienzo et le tango pour la danse.
    Au milieu des années 30, le tango essaie de reconquérir les danseurs. Et c'est le violoniste, puis chef d'orchestre, Juan D'Arienzo ▲▲, issu du jazz, qui répond directement à cette attente. Il impose un rythme fortement marqué et très accéléré par rapport au tango antérieur. Le débit musical reste constant, avec une technique relativement simple et une organisation mélodique nettement moins sophistiquée que celle proposée par Julio De Caro.
    Le piano main droite martèle de manière accentuée la mélodie. C'est le style caractéristique du pianiste Rodolfo Biagi ▲▲, repris par ses successeurs dans l'orchestre, Juan Polito et Fulvio Salamanque.
   La démarche de D'Arienzo a pour côté positif de ramener massivement le public sur les pistes de danse. Il remet au goût du jour beaucoup d'anciennes pages, après adaptation à son mode d'exécution.
   Mais ce style de D'Arienzo, clairement inscrit dans le courant traditionaliste, marque une nette régression musicale par rapport aux courants évolutionnistes antérieurs et modifie le goût du public dans le sens d'une musique simplifiée et assez agressive.

 

                                         Le courant D'Arienzo.
    Le style D'Arienzo influence toute une génération d'orchestres. Bien évidemment, lorsqu'il forme son propre orchestre, Biagi continue dans le même sens. Ils sont suivis, entre autres, par les orchestres de Francisco Lauro, Juan Sánchez Gorio, Tito Martín, ainsi que Donato Racciatti à Montevideo.
    Mais les orchestres établis et qui avaient suivi le courant évolutionniste, sont obligés, pour garder leur public, de jeter par-dessus bord toute l'expérience musicale antérieure, les acquis rythmiques et harmoniques. C'est le cas des orchestres de Fresedo, De Caro, Carlos Di Sarli ▲▲, Laurenz, Demare, Aníbal Troilo ▲▲, qui accélèrent plus ou moins leur rythme interprétatif.
   Seul Pedro Maffia ▲▲ se refuse à cette transformation. Il arrête le tango pendant dix ans, dissout son orchestre et devient commerçant dans une petite bijouterie de la rue Libertad.
   De son côté, Osvaldo Fresedo ne modifie guère son style, malgré la pression du courant darienziste, car il est très fortement implanté, et surtout dans une société relevée qui a adopté totalement l'élégance et le raffinement de ses orchestrations. Il ralentira même son jeu dans sa dernière période.
   Il faut attendre une dizaine d'années, vers 1945, pour que les orchestres attachés au courant évolutionniste retrouvent leurs qualités antérieures d'interprétation.

 
Années 40
 
                                                      1940-1955.
    Le tango sort de sa période sombre. L'Argentine entre dans une ère de prospérité grâce aux produits agro-alimentaires dont ont besoin les pays impliqués dans la seconde guerre mondiale. Les nouvelles conditions politiques sont favorables au tango dont s'emparent les masses. Il est à nouveau partout.
   A la fin des années 40, on dénombre environ 600 orchestres de tangos et plusieurs milliers de musiciens, dont un millier de bandonéonistes ! La danse profite de cet engouement populaire. Des salles nouvelles s'ouvrent. Les cours de danse se multiplient. Les orchestres s'étoffent et augmentent leurs effectifs.
   Les deux tendances stylistiques restent très apparentes. La ligne traditionaliste s'attache à un répertoire quasi immuable de standards historiques. Elle est suivie par Canaro, D'Arienzo, Biaggi, Di Sarli, Filiberto, etc.
   La ligne évolutionniste s'illustre avec des figures marquantes du monde musical, comme Osmar Maderna, Alfredo Gobbi, Miguel Caló, Fresedo,
Anibal Troilo ▲▲, Pugliese, Salgan qui préfigurent l'itinéraire de Astor Piazzolla ▲▲.
 
Années 50
 
                           1950. Les chanteurs prennent leur indépendance.
    Les chanteurs prennent de plus en plus de place dans l'orchestre. Troilo avait déjà donné le thème entier au chanteur. Dans la suite logique, les chanteurs se séparent des orchestres existants et entament une carrière de soliste, en constituant leur propre orchestre d'accompagnement. On passe de l'orchestre avec chanteur au chanteur avec orchestre.
     C'est
Francisco Fiorentino ▲▲ qui ouvre la brèche, en se séparant de Troilo et en demandant à Piazzolla de diriger son orchestre d'accompagnement. Suivent le chemin Alberto Castillo, en 1954, Alberto Marino, Angel Vargas ▲▲, Alberto Moran, Roberto Chanel et beaucoup d'autres. Il ne s'agit donc plus d'un tango destiné à la danse, mais plutôt à l'écoute, en concert ou en disque.
 
Années 55
 
                                      Les orchestres s'amenuisent.
    Les institutions péronistes s'effondrent. De nouveau, les pratiques massives de la danse du tango disparaissent. S'amorce alors un fort déclin du tango, concurrencé sévèrement par les genres musicaux importés des USA, et sous l'impulsion commerciale des grandes firmes de production qui n'investissent plus rien dans le tango. Les grands orchestres de tango ne couvrent plus leurs frais. Donc les formations se réduisent à des
quintetos, cuartetos, trios ▲▲.
    D'autres, comme
Osvaldo Fresedo ▲▲ ou Julio De Caro ▲▲, préfèrent abandonner et dispersent leurs orchestres.
 
                                          Retours aux sources.
    Divers petites formations se donnent comme projet musical de faire revivre la musique des premiers orchestres de tangos, avec les instruments qui jalonnent son histoire. Cette recherche s'inscrit dans le courant traditionaliste, avec la remise au goût du jour des intruments qui ont jalonné l'histoire du tango. C'est souvent à l'initiative de musiciens de haute qualité, solistes ou venus d'autres horizons.
   Ainsi, en 1959, le cuarteto "
Pa' que bailen los muchachos ▲▲" enregistre plusieurs microsillons de thèmes traditionnels.
   Le groupe
Los Tubatango ▲▲ fait revivre les tangos du début du siècle.
  
El Cuarteto del Centenario est fondé en 1948 par Edmundo Angel Valle. Il édite en 1969 un disque appelé " Tangos del lejano Buenos Aires. "
   Le bandonéoniste Emilio Branca (décédé le 22 janvier 1990) enregistre le disque "
Tangos de la Mala Vida ", avec son groupe Sexteto de la Guardia. Il fait ainsi revivre les tangos joués dans les lieux de la prostitution.
 
                                    Le tango s'éloigne de la danse.
    De nombreuses formations ne visent plus un public de danseurs qui a disparu, ou s'est reporté vers les nouvelles danses importées (rock, be-bop, cumbia, etc...). Leur production s'adresse à l'écoute, à travers concerts ou disques. Cette situation favorise la recherche musicale et les compositeurs, enrichis de leurs expériences dans les autres genres musicaux, se réorganisent. Leurs petites formations donnent alors des oeuvres de grand caractère. La danse du tango a perdu, pour une génération, mais la musique sort gagnante. C' est dans cette période que plusieurs directeurs d'orchestres introduisent des instruments différents de ceux du tango traditionnel ▲▲.
    La riche production de Astor Piazzolla, si elle appartient encore à l'univers sonore du tango, est très éloignée du domaine de la danse. Seules quelques pièces ont su capter l'intérêt de chorégraphes professionnels.
 
1980 à nos jours
 

    Le retour des danseurs sur les pistes, une génération plus tard, a redonné du travail à quelques orchestres. Mais les tendances anciennes perdurent. Et ces orchestres s'inscrivent souvent dans la lignée d'un orchestre du passé. Ansi Color Tango, dirigé par Roberto Alvarez ▲▲, s'affiche ouvertement comme héritier de Osvaldo Pugliese.
    Par ailleurs, le tango a conquis le monde. Et des orchestres de tous les pays se produisent partout et offrent des enregistrements de qualité, mais toujours avec cette division entre musique pour la danse et musique de concert.
    La nouveauté musicale vient de l'incursion du tango dans les musiques électroniques et l'histoire dira s'il saura y conserver son âme.

 
Références bibliographiques
 
  - http://www.tangocaffe.it/Galleria%20foto.htm. Site italien avec une jolie collection de photographies d'orchestres.
 
Page 2 ( 1917 / aujourd'hui )